Le monnayage d’Henri V, comte de Chambord, dernier-roi de la Maison de France

Le comte de Chambord fut sous le nom d’Henri V le prétendant légitime au trône de France. Ce roi malchanceux faillit à trois reprises accéder au trône de France.

Le dernier-né de la Maison de France

Charles-Ferdinand duc d’Artois, duc de Berry, et fils de Charles X ( Frère de Louis XVI et de Louis XVIII) , épouse le 17 juin 1816, à Notre-Dame de Paris, la princesse Caroline des Deux-Siciles, fille aînée de François Ier roi des Deux-Siciles et de Clémentine d’Autriche.

Le couple réside au palais de l’Elysée qui a été aménagé par Charles X tout spécialement pour eux et leurs enfants. Quatre enfants naîtront de cette union. Les deux premiers décèderont en bas âge. En 1819, naîtra Louise Marie-Thérèse d’Artois puis en 1820, Henri.

La disparition du duc de Berry

Alors que son épouse, Caroline des Deux-Siciles, duchesse de Berry, est enceinte, le duc d’Artois est assassiné le 13 février 1820.

Apparenté aux ultras, ces royalistes qui prônent le retour à l’Ancien Régime et à ses valeurs traditionnelles, le duc d’Artois est poignardé à sa sortie de l’Opéra de la rue de Richelieu, le dimanche gras 13 février 1820, vers onze heures du soir, par l’ouvrier Louvel, pro-bonaparte, qui veut « détruire la souche des Bourbons» – ce sera un échec car, quelques mois plus tard, naîtra un garçon, Henri, le futur comte de Chambord -.

Le duc aura la force d’arracher la lame puis tombera en syncope. Transporté dans une des salles du théâtre, le prince mortellement blessé expire le lendemain à six heures du matin. Au cours de cette longue agonie, il révèle que son épouse est enceinte. Il demande que son assassin soit gracié et regrette de mourir de la main d’un Français.

Le duc d’Artois est inhumé dans la basilique Saint-Denis. Après l’assassinat de son mari, la duchesse de Berry s’installe aux Tuileries, avec sa fille.

Dieudonné ou « don de Dieu » : « l’enfant du miracle »

Sept mois et demi plus tard, le 29 septembre 1820, au palais des Tuileries, à Paris, la duchesse de Berry (La duchesse de Berry est une avant-gardiste, elle joua un rôle non négligeable dans la vogue des bains de mer, en particulier à Boulogne sur Mer et Dieppe. C’est elle qui inaugura une section du canal de la Somme) accouche d’un fils : Henri Charles Ferdinand Marie Dieudonné de Bourbon, duc d’Artois, duc de Bordeaux, surnommé « l’enfant du miracle » par Lamartine. D’autres le qualifièrent de « don de Dieu » car il naquit le jour de la Saint-Michel.

Le 11 octobre 1820, les Français donnent comme cadeau de naissance à Henri, le château de Chambord, acheté par souscription nationale. Henri devient alors comte de Chambord.

Le 1er mai 1821, il est baptisé à Notre-Dame de Paris. Il a pour parrain et marraine le couple formé par Louis de France, fils de Charles X, et la fille de Louis XVI, Marie-Thérèse de France, surnommée Madame Royale. Les parrain et marraine sont en même temps ses oncle et tante.

L’usurpation du trône

Le 16 septembre 1824, son grand-père, Charles X, succède sur le trône de France, à son frère, Louis XVIII qui vient de décéder.

Le 2 août 1830, suite aux troubles des Trois Glorieuses, Charles X (Monnaies et Détections, n°65, août-septembre 2012, «De la monarchie constitutionnelle à la Deuxième République (1815-1848)», Partie I, p. 42-44 ) et son fils, Louis de France abdiquent en faveur d’Henri, nommé Henri V par le parlement. Louis de France est roi, sous le nom de Louis XIX, pendant 20 minutes entre l’abdication de Charles X, son père, et la sienne en faveur du jeune roi Henri, son neveu. Louis XIX prend ensuite le titre compensatoire de Comte de Marnes.

L’enfant étant trop jeune pour régner, Louis-Philippe d’Orléans, cousin germain de Charles X, est chargé d’exercer la régence au nom d’Henri V.

Le régent devra ensuite proclamer Henri, roi, dès qu’il serait majeur, chose qui ne se fera jamais car Louis-Philippe usurpera le pouvoir dès le 9 août 1830.

L’Exil de la Maison de France

Le 16 août 1830, Charles X part en exil avec toute sa famille, en Angleterre au palais écossais de Holyrood où il confie l’éducation de son petit-fils à Marie-Thérèse de France, sa tante et marraine.

Le début du rêve de reconquête

En 1831, la mère d’Henri, la duchesse de Berry retourne en France pour organiser un soulèvement de l’Ouest de la France pour 1832, mais c’est un échec et la duchesse est jugée en octobre 1832 puis emprisonnée le 8 novembre 1832 à la citadelle de Blaye où elle met au monde une fille qu’elle aurait eu d’une union secrète avec le comte de Lucchesi-Palli. Cette naissance discrédite définitivement son action.

En cette même année de 1832, Charles X quitte avec les siens, l’Angleterre pour s’installer au palais royal de Prague en Bohême.

Le 27 septembre 1833, pour sa majorité, fixée à treize ans par les lois du royaume de France, Henri V reçoit un groupe de légitimistes français, qui le saluent au cri de « Vive le roi ! ». A leur retour en France, ces derniers sont poursuivis par le gouvernement de Louis-Philippe, mais sont acquittés par la cour d’assises.

Le premier acte accomplit par Henri V, à l’occasion de sa majorité, est celui d’une « protestation solennelle contre l’usurpation de Louis-Philippe ».

En octobre 1836, Charles X et les siens partent pour l’Autriche au château de Goritz. Le 6 novembre 1836, Charles X y décède. Henri V alors âgé de 16 ans, reste en Autriche avec son oncle le duc d’Angoulême et comte de Marnes qui devient en droit Louis XIX aux yeux des légitimistes et est désormais le chef de la Maison de France, tout en préservant le trône pour son neveu, le comte de Chambord pour lequel il avait abdiqué le 2 août 1830.

Le 28 juillet 1841, le comte de Chambord fait une mauvaise chute de cheval qui le laisse claudicant.

En octobre 1843, il se rend à Londres et y rencontre, à Belgrave Square, des légitimistes français fidèles dont l’écrivain Châteaubriand.

Le 3 juin 1844, la mort du duc d’Angoulême met le droit en accord avec le fait : Henri devient l’aîné de la Maison de France et est reconnu une nouvelle fois sous le nom d’Henri V par ses partisans qui restent dans l’opposition sous les différents régimes qui se succéderont : Monarchie de Juillet, Seconde République et Second Empire.

Frohsdorf devient « palais royal »

En 1844, Henri V s’installe avec sa tante et marraine au château de Frohsdorf, situé au sud-est de Vienne et qui a appartenu à Caroline Bonaparte, la sœur de l’empereur Napoléon Ier. Ce château a été vendu au duc de Blacas en 1843 pour le compte de la famille royale des Bourbons de la Maison de France.

Le 15 novembre 1846, Henri épouse Marie-Thérèse de Modène (Marie-Thérèse de Modène suite à une malformation ne pourra jamais enfanter, ce qui aura de graves conséquences sur l’avenir de la Maison de France) , âgée alors de 29 ans. Son beau-père, le duc François IV de Modène est le seul souverain européen a ne pas avoir reconnu la Monarchie de Louis-Philippe (Monarchie de Juillet), de plus, la fille du duc de Modène est l’héritière directe des Stuarts mais suite à la clause de l’Acte d’établissement anti-catholique de 1701, elle ne peut prétendre au trône britannique.

Par son alliance avec la maison de Modène, Henri V devient le beau-frère de Jean de Bourbon, roi d’Espagne qui a épousé la sœur cadette de Marie-Thérèse. Cela lui donne une importante dimension européenne.

Le château de Frohsdorf devient le cœur de la diplomatie royale d’Henri V. Le souverain en exil suit avec attention la chute de Louis-Philippe et l’ascension de Napoléon III. Il ordonne à ses nombreux partisans de ne pas s’afficher en public lors des manifestations pour l’empire et de refuser de voter les lois promues par l’empereur.

En 1848, Henri V prend l’initiative d’un premier geste de réconciliation avec la famille d’Orléans. En 1850, à la mort de Louis-Philippe, Henri V fait célébrer une messe à la mémoire du défunt et écrit à la veuve de celui-ci, la reine Marie-Amélie.

Le 19 octobre 1851, à la mort de sa tante, Marie Thérèse de France, Henri V hérite officiellement du château de Frohsdorf.

Au premier étage du château, dans la chambre où mourut sa tante, il fait sceller une plaque avec l’inscription suivante : « Ici élevant son âme à Dieu, Marie-Thérèse de France a exhalé son dernier soupir avec sa dernière prière. Le 19 octobre 1851, à 11 heures ¼ du matin ».

Le prince et sa famille y suivent l’étiquette royale française : le duc de Lévis assume le rôle d’un ministre de la Maison du roi. A ses côtés, le « gentilhomme de service » tient lieu de chambellan. Il introduit les visiteurs admis en audience, répond à une partie du courrier et accompagne le prince en voyage. Son épouse est entourée de deux dames d’honneur. Il faut compter aussi sur deux chapelains, un médecin et le fidèle secrétaire Moricet, ancien combattant de la dernière guerre de Vendée, qui mourra nonagénaire en 1881.

Henri V détient les attributs du pouvoir, regalia (sceptre, main de Justice, couronne), un trône aux armes de France et des carrosses (Actuellement exposés au château de Chambord.).

Henri V, exilé, règne sur son château tel Napoléon sur son île de Sainte-Hélène !

La fin du rêve de reconquête

En août 1870, suite aux graves défaites de Napoléon III face à la Prusse, le comte de Chambord quitte Frohsdorf dans l’intention de reprendre le pouvoir. En effet, après la chute de l’Empire en 1870, les légitimistes essaient d’imposer la Restauration des Bourbons sur le trône de France. Une lente négociation commence avec le gouvernement de Thiers pour un retour de la monarchie.

Le 18 septembre 1871, les députés discutent d’une proposition de loi permettant l’installation des administrations centrales à Versailles.

Le 8 octobre 1871, cette loi est votée. Dans le même temps, Henri V confiant annonce qu’une fois la restauration faite, il s’installera à Versailles auprès des ministères.

En 1871, Henri V réside à Chambord ( Le château de Chambord est occupé brièvement par Charles X qui le fait restaurer sommairement. Henri V, quant à lui, y vivra très peu (1871). Après 1883, le château revient à l’ancienne famille régnante du duché de Parme, le duc Robert de Parme, fils de Louise d’Artois, sœur d’Henri V, l’ayant hérité de celui-ci. Le domaine est ensuite racheté 11 millions de francs or au duc de Parme par l’Etat français le 13 avril 1930. ) et y lance un manifeste aux Français appelant à la restauration de la monarchie et du drapeau blanc.

Une rivalité s’engage entre le duc d’Aumale et Henri V. Les deux hommes s’opposent au sujet de la présidence de la République.

Le 28 mai 1871, le duc d’Aumale, lors d’un discours, qualifie le comte de Chambord « ce Monsieur de Trop ».

En mai 1873, le président de la République, Adolphe Thiers déclare que « la monarchie est impossible » et que la République est préférée puisqu’elle « apporte la paix ».

La chute de Thiers, la mort de Napoléon III et la naissance d’un nouveau climat propice à la monarchie font reprendre espoir aux partisans d’Henri V. L’Eglise catholique de France soutient même le retour à la monarchie. Le pape Pie IX charge le nonce apostolique de Vienne de faire savoir au comte de Chambord que le Saint-Siège est attaché au retour de la monarchie en France et que la couleur du drapeau est un sujet sur lequel le roi doit savoir trouver un terrain d’entente.

En octobre 1873, Une ambassade de parlementaires français est envoyée à Henri V pour exposer les grandes lignes de la restauration. Le comte est d’accord pour l’ensemble des propositions mais ne veut pas céder en ce qui concerne la couleur du drapeau national. Il veut le drapeau blanc royal et rejette sans appel le drapeau tricolore révolutionnaire. Une cabale journalistique, dirigée par Mac Mahon, fait rage en France visant à discréditer Henri V.

Le 20 novembre 1873, le parlement vote le mandat présidentiel de sept ans, prolongeant ainsi les pouvoirs de Mac Mahon et mettant fin aux rêves de retour monarchique de la Maison de France.

La Restauration échoua parce qu’Henri refusa le drapeau tricolore, lui préférant le drapeau blanc.

Pour ne pas être un sujet de troubles, Henri V rentre alors à Frohsdorf.

La fin de la Maison de France

En juin 1883, le comte de Chambord est atteint d’une maladie des voies digestives à laquelle il ne survit pas. Celui qui fut très près d’accéder au pouvoir suprême dans son pays natal, à trois reprises, décède sans enfant le 24 août 1883 dans son château de Frohsdorf à Lanzenkirchen, en Autriche.

Il est inhumé auprès de Charles X, de Louis de France et Marie-Thérèse de France, duc et duchesse d’Angoulême, au couvent franciscain de Kostanjevica, à Nova Gorica en Slovénie.

La Maison de France, soit la branche aînée des Bourbons, s’éteint avec la disparition du comte de Chambord. La souche des Bourbon est détruite comme le voulait Louvel. Les branches cadettes des Bourbons se disputent alors la légitimité de la couronne de France.

Le comte de Chambord, « don de Dieu » mais « oublié des dieux », bien que n’ayant jamais pu accéder au trône, a laissé une très forte emprunte en Autriche : Sur le fronton de son « palais-royal », le château de Frohsdorf, on peut toujours voir les armes de France surmontées d’une couronne royale ainsi que sur la girouette.

Près du château se trouve toujours l’école de filles, destinées aux jeunes filles de la colonie française et du village de Lanzenkirchen, fondée par la comtesse de Chambord, qui fit venir des religieuses de Metz qui occupèrent le lieu jusqu’en 2011.

Tous les objets-souvenirs de la famille des Bourbons ont été respectés depuis la mort du roi Henri V, y compris lors de l’occupation communiste du château durant la Seconde Guerre Mondiale.

Au premier étage du château, on peut encore voir la plaque que fit sceller Henri V dans la chambre où mourut sa tante

Une statue, toujours visible, de Jeanne d’Arc, commandée par la comtesse des Cars au sculpteur Rinaldi, en 1833 et offerte au comte de Chambord, figure dans le hall d’entrée.

En France, on s’intéresse de plus en plus à ce roi jamais couronné et « oublié de l’Histoire Officielle » et le plus légitime de tous. A Chambord et au musée du Carrousel de Versailles, on peut aller à sa rencontre, en allant admirer l’ensemble de ses carrosses. Ses médailles et son monnayage permettent de l’approcher plus intimement.

Le numismate éclairé, Michel Prieur (Bulletin numismatique, n°111, « Les critères des types monétaires », p.2-3 ) , dans son article sur les critères des types monétaires, s’étonnait qu’on ne reconnaisse pas comme officiel le monnayage d’Henri V : « Quid de la Commune ? Régime jamais reconnu sur l’ensemble du territoire, très loin de là, noyé dans le sang par les autorités « légales » de l’époque, mais qui fait encore vibrer des cœurs aujourd’hui ! Faut-il considérer Zéphyrin Camélinat comme un directeur d’atelier comme un autre ? Mais alors pourquoi ne pas prendre en compte Henri V et les frappes de Wurden ? Henri V, le comte de Chambord, fut bien plus près du pouvoir suprême que n’en fut jamais la Commune ! Il n’en a tenu qu’à son refus d’accepter le drapeau tricolore. Imaginez la France d’aujourd’hui si la monarchie avait été restaurée après les désastres de 1870/1871 ! Certes Henri V ne fait pas partie de l’Histoire Officielle enseignée dans les écoles françaises mais cherchez un peu et pour commencer sur wikipédia, cliquez, vous serez surpris. Alors, exit Henri V ? ».